jeudi 19 novembre 2015

Quelques orientations pastorales du diocèse.


Diocèse de Gamboma
Secrétariat de la pastorale d’ensemble

Année pastorale 2015-2016
 




Les orientations pastorales
du diocèse de Gamboma


1/   Le Pape François écrit : « Jésus Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier. » (Misericordiae vultus, n°1). Il ajoute dans ce même texte que « la miséricorde sera toujours plus grande que le péché, et nul ne peut imposer une limite à l’amour de Dieu qui pardonne. En cette fête de l’Immaculée Conception (08 décembre 2015), j’aurai la joie d’ouvrir la Porte Sainte. En cette occasion, ce sera une porte de la miséricorde, quiconque entrera pourra faire l’expérience de l’amour de Dieu qui console, pardonne, et donne l’espérance. » (n°3)

Pour être donc en communion avec l’Eglise universelle, toutes les paroisses du diocèse sont invitées en cette même date du 08 décembre 2015, à une rencontre diocésaine; ce, pour vivre dans un cadre diocésain, cet événement important de l'Eglise .
Lieu : La cathédrale Saint Pie X de Gamboma.

Pour toute autre information sur l’année jubilaire de la miséricorde, vous pouvez vous rendre sur le blog internet du diocèse : diocèsegamboma.blog-spot.com.

2/ Pour la formation des catéchistes, il y aura deux grandes sessions.
Lieu : Gamboma et Djambala.

3/ Il est prévu un pèlerinage marial diocésain. Les modalités et le lieu sont encore à étudier.

4/ Les agents pastoraux doivent se donner corps et âme pour l’évangélisation de nos familles.
Thèmes retenus : le dessein de Dieu sur la famille et l’engagement de vivre la miséricorde de Dieu.

5/ Faire une catéchèse adéquate sur la miséricorde de Dieu.

6/  Pendant les temps de l’avent et de pâques, des rencontres et des journées paroissiales sur la famille doivent être organisées : dresser un tableau sociologique sur les formes de mariage et les formes de famille (mariages : coutumier, civil, religieux. Famille : mono parentale, séparée …).

7/ Instituer dans la paroisse, une pastorale visible sur la famille.

8/ Prévoir dans chaque paroisse, les jours de la pastorale de l’écoute. Il s’agit du dialogue, de l’écoute et de l’accompagnement de ceux qui se présentent à nous comme vivant une situation difficile.

9/ Organiser des journées de réconciliation et de miséricorde pour les prêtres et pour tous les chrétiens : pendant ces journées, le sacrement de réconciliation doit être mis en évidence.

10/  Les relais pour manifester l’aspect visible et social de la miséricorde divine :
·         La Caritas paroissiale.
·         Les fraternités paroissiales.
·         La légion de Marie au moyen de leur apostolat.
·         Le renouveau charismatique paroissial, au moyen de l’accueil.

11/  Chaque paroisse organisera tous les jeudis, de manière systématique, l’adoration au Saint Sacrement.
Thème : la miséricorde divine.




Fait à Gamboma le 17 septembre 2015



                                      L’Evêque de Gamboma




                                                                                         Mgr Urbain NGASSONGO

vendredi 18 septembre 2015

Le conseil presbytéral, du 16 au 17 septembre 2015.





Du 16 au 17 septembre, tout le presbyterium  du diocèse s'est réuni en conseil presbytéral au siège du diocèse, Gamboma. La journée du 16 a été réservée pour l'accueil. Tout a donc commencé le matin du 17, avec les laudes et l'Eucharistie, présidée par Mgr Urbain lui-même. Au cours de cette Messe, le nouveau Vicaire général du diocèse, le Père Gabriel BODIANG, a prêter sermon devant Dieu et devant tout son peuple. Tout en priant pour lui, nous lui souhaitons un bon ministère.

En ce qui concerne le conseil presbytéral, nous avons vécu un moment précieux sur le jubilé de la miséricorde, annoncé par le Pape François depuis le 13 mars de cette année.  Il y a eu deux exposés sur la question. Le premier a été un commentaire de la Bulle Misericordiae Vultus du Pape Francois; Bulle qui a accompagné l'annonce de ce jubilé de la miséricorde; le deuxième a été aussi un commentaire de cette Bulle, mais cette fois ci, abordé dans le sens de la famille: la famille chrétienne et la miséricorde. Il a été présenté par l'Abbé Philippe MBAMA, vicaire à la Cathédrale. 
Après ces deux communications, il y a eu dans l'après-midi un long moment d'échange. Tous les prêtres présents à cette rencontre, ont donné leurs propositions pour la bonne marche du diocèse. Nous retenons par exemple les dires de l'Abbé Sylvain ODZO NGAKALA qui appelaient tout le monde à bien s'informer et se former sur la pratique des sacramentaux; ce, pour aider le peuple de Dieu, vivant dans ce département des Plateaux, à redécouvrir ce visage du Christ miséricordieux, présent dans les sacrements. Aussi l'Abbé Jicker ETSOH-LANZAMBE priait ces confrères à vivre dans l'amour et dans la miséricorde, sans vouloir prendre en compte nos différences ethniques ou culturelles. 

Notre Evêque, Mgr Urbain NGASSONGO a conclu ces moments, en donnant quelques directives pastorales pour cette année nouvelle. Il demande une bonne stabilité des pasteurs dans leurs lieux d'affectation. Monseigneur Urbain a adhéré au jubilé de la miséricorde, en invitant tous les fidèles du diocèse à une grande rencontre à la cathédrale, le 08 décembre 2015, jour de l'ouverture de l'Année Sainte extraordinaire. 

C'est sous un  climat sain que tous les prêtres sont repartis chacun dans sa paroisse. 


Nous vous proposons ci-dessous, ce petit commentaire de la Bulle Misericordiae Vultus; il est de l'Abbé Axelrod GOUAMA KAYA, Chancelier adjoint du diocèse.

Très prochainement, vous aurez aussi tous ces moments en image.





LE PAPE FRANCOIS ET LE JUBILE DE LA MISERICORDE

Introduction.

Depuis le 13 mars de cette année 2015, le Pape François a annoncé l’Année Sainte extraordinaire ; une année consacrée à la Miséricorde du Père qui est sa caractéristique la plus célébrée dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament. Celle-ci va débuter le 08 décembre 2015, jour de l’immaculée conception ; et elle sera close le 20 novembre 2016, en la solennité du Christ Roi de l’univers.

Nourrir le peuple de Dieu de la Miséricorde du Père, voila ce qui anime le Pape François, depuis le début de son Pontificat. Déjà dans l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, il le montre clairement : « Pour avoir expérimenté la miséricorde du Père et sa force de diffusion, l’Eglise vit un désir inépuisable d’offrir la miséricorde. » (EG 24) Tout récemment  encore, avec sa nouvelle Lettre Encyclique Laudato si, il invite à un regard tendre et miséricordieux envers notre mère la terre, car, dit-il « parmi les pauvres les plus abandonnés et maltraités, se trouve notre terre opprimée et dévastée. » (LS 2)

Ce désir fort du Pape à montrer ce visage du Père au monde vient du fait qu’ « Il ya des moments où nous sommes appelés de façon encore plus pressante, à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père ». (MV 3). Ces moments sont bien réels ; surtout avec ce que nous présente le monde aujourd’hui : chaque jour, il y a des gens qui sont condamnés à mort, et parfois injustement ; certains sont abandonnés à eux-mêmes, vivant dans une précarité sans pareil ; le Pape François dit : « Combien de situations de précarité et de souffrance n’existent-elles pas dans le monde d’aujourd’hui ! Combien de blessures ne sont-elles pas imprimées dans la chair de ceux qui n’ont plus de voix parce que leur cri s’est évanoui et s’est tu à cause de l’indifférence des peuples riches ! » (MV 15). Une autre raison de vouloir ce jubilé, c’est l’élimination de la notion de miséricorde. A ce sujet, le Saint Pape Jean Paul II affirme dans sa Lettre Encyclique Dives in misericordia que la mentalité contemporaine « tend à éliminer de la vie et à ôter du cœur humain la notion même de miséricorde. Le mot et l'idée de miséricorde semblent mettre mal à l'aise l'homme. »  (DM 2)

Cette annonce de l’Année sainte a été donnée depuis le siège du Vatican à Rome ; cependant, le Pape souhaite que ce « signe de l’unité et de la charité » soit célébré dans chaque Eglise particulière. Voila pourquoi au Conseil pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Evangélisation, il confie la charge de vulgariser tous les travaux de ce jubilé de la Miséricorde et de communiquer toutes les indications possibles. De ce fait, un grand travail de fond a été déjà fait. Et nous retrouvons dans ce bulletin Jubilé de la Miséricorde, quelques informations concernant la porte de la miséricorde, la devise, le logo et l’hymne officiel du jubilé. Il y a aussi dans ce bulletin les informations sur les missionnaires de la miséricorde et le pèlerinage à Rome. Bref, pour plus d’informations sur le Jubilé, le Conseil pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Evangélisation nous invite tous à visiter le site spécial du Jubilé : www.im.va. Et comme dit son président : « Cette Année Sainte est la première dans l’ère des réseaux sociaux, des tablettes, des smartphones, et de la connexion constante à internet. ». Soyons donc actifs dans ce sens ; du moins pour ceux qui le peuvent.

Par ailleurs ce que nous voulons vous présenter illico, n’est nullement un résumé de ce bulletin d’informations, bien que certains de ses points vont intégrer ce travail.  Mais nous voulons mettre à votre portée, un petit commentaire de la Bulle d’indiction qui avait suivi l’annonce du Jubilé de la Miséricorde. Le Pape l’a intitulée Misericordiae Vultus ; nous le traduisons en français comme : le regard de miséricorde.

Notre travail va suivre la ligne de ce document avec quelques points que nous avons pu mettre en place : d’abord la définition du terme miséricorde et quelques sources scripturaires. Ensuite, il y aura un nexus Eglise et Miséricorde ; nous parlerons aussi de quelques pistes pour vivre la Miséricorde du Père. Et enfin, avant la conclusion qui est un appel à la miséricorde, nous aurons quatre points : le sacrement de réconciliation, profondeur de la Miséricorde, le rapport justice et Miséricorde, la Miséricorde du Père, au-delà des frontières religieuses et humaines, Marie mère de miséricorde.  


I. La notion de Miséricorde.

Etymologiquement, le terme miséricorde veut dire « avoir un cœur » ; le cœur étant l’organe moteur des sentiments et de la sensibilité. Faire miséricorde c’est donc avoir pitié et compatir ; le Pape François la définit dans cette Bulle comme « l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre. La miséricorde, c’est la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie. La miséricorde, c’est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de notre péché. » (MV 2).

On peut bien distinguer ici le mouvement croisé que forme la triple définition de la miséricorde donnée par le Pape. Verticalement, il y a cet acte par lequel Dieu se donne à nous. C’est par pur miséricorde qu’Il se rend totalement visible par son Fils Jésus, pour qu’ainsi nous, hommes pécheurs, soyons sauvés. Horizontalement, il y a cette semence de la miséricorde du Père qui habite le cœur de chaque homme, quand celui-ci ouvre son cœur à accueillir l’autre, quel qu’il soit. Et le point central qui lie ces deux mouvements croisés, est nettement cet amour du Père, qui retentit dans le cœur de l’homme, et qui le met en confiance totale, malgré ses péchés.  

Cette notion de miséricorde, caractéristique spécifique du Père, à laquelle nous participons, est bien manifeste dans les Écritures saintes.

I.1. La miséricorde du Père dans l’Ancien Testament.

Toute l’histoire d’Israël s’est construite autour de plusieurs moments de fidélités et d’infidélités envers Yahvé ; c’est ce que les Exégètes appellent le cycle historique. Cette rotation montre aussi l’agir de Dieu envers ce peuple. Il se manifeste en temps voulu et révèle ce qu’Il est. Il est « tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. » (Ex 34, 6) Faire miséricorde, voila ce que Dieu sait faire le mieux. Saint Thomas dit dans sa Somme Théologique : « La miséricorde est le propre de Dieu dont la toute puissance consiste justement à faire miséricorde. ». (II, II, quest. 30).

Le Pape François voit dans cet agir de Dieu, non un signe de faiblesse, mais bien l’expression de sa toute puissance.  Sa grandeur réside dans le fait qu’Il est amour ; même devant ce qui est pour l’homme, péché grave, sa colère ne dure qu’un instant, et sa miséricorde prime et demeure. A ce sujet, de nombreux témoignages sont rapportés, surtout par les chants des psaumes : « Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse » (Ps 102, 3-4) ;  « Il fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les enchaînés. Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes, le Seigneur protège l’étranger. Il soutient la veuve et l’orphelin, il égare les pas du méchant » (145, 7-9) ;  « [Le Seigneur] guérit les cœurs brisés et soigne leurs blessures… Le Seigneur élève les humbles et rabaisse jusqu’à terre les impies » (146, 3.6).

Certains épisodes du parcours de ce peuple, tel que l’épisode du veau d’or, montrent que même quand tout semble fini, et que le Seigneur décide de tout détruire,  c’est encore sa bonté et son amour qui l’emportent. Cela a fonctionné ainsi jusqu’à l’avènement historique de son Fils.

I.2. Sources néotestamentaires de la Miséricorde.
« La miséricorde fait de l’histoire de Dieu avec Israël une histoire du salut. » (MV 7) dit le Pape François. Et comme nous le savons, cette histoire du salut culmine avec le sacrifice suprême du Christ sur la croix. Il est venu dans notre chair, Il a vécu avec nous ; Il est mort et Il est ressuscité, pour que nous ayons la vie en abondance.

En effet, tout son parcours historique, de Bethléem jusqu’à Jérusalem, n’a été qu’une histoire d’amour et de miséricorde ; c’est cette mission qu’Il a reçue de son Père : révéler ce visage d’amour dans sa plénitude. Jésus est passé partout, mangeant avec les pécheurs et soulageant les pauvres, les exclus et les malades. Tous les miracles qu’Il a accomplis, sont une illustration parfaite de sa nature miséricordieuse. En fait, Il n’avait que ca à faire : rendre la liberté aux captifs, et aux affamés,  donner de quoi manger. Le Pape affirme que « ce qui animait Jésus en toute circonstance n’était rien d’autre que la miséricorde » (MV 8).   

Déjà très tôt, dans l’évangile selon saint Marc, Il est appelé à agir face à la souffrance de tant de personnes. Les trois premiers chapitres de ce livre nous le montrent. Devant la fièvre de la belle mère de Pierre, au verset 29 du premier chapitre, et la souffrance intérieure et extérieure de ce lépreux du verset 40, Jésus ne s’est pas montré indifférent ; Il a toute de suite étendue sa main miséricordieuse, qui redonne espoir. Face à Pierre qui lui demande combien de fois il fallait pardonner, Jésus répond : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante dix fois sept fois » (Mt 18, 22), c’est là un chiffre parfait qui renvoie à un pardon en Dieu, et donc un pardon sans limite. Cette totalité du pardon, c’est ce que l’Eglise est appelée à vivre.

II. L’Eglise et la miséricorde.

Les Saintes Ecritures nous révèlent l’âme profonde de Jésus et de son Père. Cependant Elles nous montrent aussi que la miséricorde, comme dit le Pape, « n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère pour comprendre qui sont ses véritables enfants. » (MV 9). Le Christ invite donc tous les chrétiens, et par là l’Eglise tout entière, à faire miséricorde ; car « la miséricorde est le pilier qui soutient la vie de l’Eglise. » (MV 10) : « Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde. » (Mt 5, 7). Heureux ceux qui se donnent pour les œuvres de miséricorde, le royaume des cieux est à eux. En effet, le Père intervient tout temps dans nos vies, Il pose sans se lasser, des actes, comme aime le dire Mgr Urbain créateurs et rédempteurs. Sa main puissante et miséricordieuse étend ses rayons sur tout le monde. Nous devons, nous aussi, faire comme Lui.

C’est d’ailleurs la devise de ce jubilé de miséricorde : miericordes sicut pater (miséricordieux comme le Père).

II.1. Les œuvres de miséricorde.

Selon le Catéchisme de l’Eglise Catholique, « Les œuvres de miséricorde sont les actions charitables par lesquelles nous venons en aide à notre prochain dans ses nécessités corporelles et spirituelles » (CEC 2447). Et le Pape François veut que, durant ce jubilé,  chaque réfléchisse en profondeur sur ces actions.  C’est en accomplissant ces œuvres que nous pouvons faire face à ce taux élevé de misère et d’indifférence qui règne dans le monde.

Le tout commence avec cet appel de Jésus : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure, bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous » (Lc 6, 37-38).

a.      Les œuvres corporelles.

S’appuyant sur l’enseignement de Jésus, le Pape François nous fait découvrir quelques œuvres de miséricorde corporelles ; c’est-à-dire des actes qui peuvent bien soulager la souffrance physique de  ceux qui sont dans le besoin. Il s’agit de « donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. » (MV 15)

A voir la beauté des phrases et des mots que les évangélistes utilisent pour signifier cela, nous considérons souvent ces appels comme des réalités abstraites ou de la simple fiction. Or, comme nous le savons, Jésus a bel et bien vécu dans le temps et dans notre espace. Ce qui veut dire qu’Il a réellement posé ces actes d’amour et de miséricorde. Donc, nous le demander, ne fait pas de lui un météore ou un hypocrite à la manière des Pharisiens et des Scribes, mais cela nous unit à lui qui est source de miséricorde.

Nous devons aujourd’hui aller au cœur de l’action, faire l’expérience de cette misère du peuple et essayer de faire quelque chose de  réel et de vrai.

b.     Les œuvres de miséricorde spirituelles.

A coté de la souffrance physique du peuple qu’il faut étancher, il nous est aussi proposé quelques œuvres spirituelles. Ce sont des actes que nous connaissons, et qui constituent en réalité, l’âme intérieure de la vie du prêtre. Le Pape François dit qu’il faut « conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts. » (MV 15).

Pour accomplir et vivre à fond tous ces moments, un espace propice est accordé aux prêtres. Il s’agit du Sacrement de la réconciliation.

II.2. Le sacrement de réconciliation, profondeur de la miséricorde.

Le sacrement de réconciliation est institué par le Christ. Son but, comme dit le Pape Jean Paul II, est d’aplanir « la route de chacun ; même quand il est accablé par de lourdes fautes. » (DM 13). Ceux qui en sont ministre, ont donc l’obligation d’être un véritable signe de la miséricorde du Père. Dans le Vade-mecum pour les confesseurs, il est écrit : « Que le ministre de la Réconciliation ait toujours présent à l'esprit que le sacrement a été institué pour les hommes et les femmes qui sont pécheurs. (VDMC 3).

Ces moments d’échange et de confiance totale doivent être accompagnés des questions pertinentes ; comme le Père de la parabole de l’enfant prodigue, les confesseurs « interrompront le discours culpabilisateur préparé par ce fils » (MV 17) Car le but ici n’est pas d’inciter le pénitent à l’aveu des péchés, mais de l’amener à rencontrer ce visage miséricordieux du Père.  

Le Pape nous rappelle aussi que « nul d’entre nous n’est maître de ce sacrement, » ; le prêtre n’est qu’un serviteur fidèle du pardon de Dieu.  Il doit, sans vouloir montrer sa force à absoudre, communiquer simplement le pardon de Dieu, Lui qui est plein de justice et de miséricorde.

III. Rapport justice et miséricorde.

Le Pape a trouvé très nécessaire d’épingler la question du rapport justice et miséricorde, pour  dissiper un peu le flou et le doute qui y règnent autour.  Pour lui ces deux aspects ne sont pas contradictoires. Il s’agit de « deux dimensions d’une unique réalité qui se développe progressivement jusqu’à atteindre son sommet dans la plénitude de l’amour. » (MV 20). En Dieu, qui dit justice, dit donc pardon et miséricorde. Cependant, pour nous les hommes, celle-ci renvoie, sans un détour, à l’observance stricte des lois. La loi dit : tu ne tueras pas ; qui tue, est passible de la peine capital. On n’oublie que « le respect de la loi ne peut faire obstacle aux exigences de la dignité humaine. » (MV 20).

C’est tout le problème que Jésus rencontre dans la Bible, face aux Pharisiens. Ils se donnent plus au légalisme qu’à l’importance de la foi. Ils divisent le peuple, ils mettent d’un côté les justes, et de l’autre, les pécheurs. Or, Jésus lui, veut donner la chance à tout le monde, même au dernier des pécheurs. Ce n’est pas qu’il veut bafouer la loi ; non, Il veut simplement sauver les âmes ; car la miséricorde est un chemin de conversion. Le Pape dit : «Qui se trompe devra purger sa peine, mais ce n’est pas là le dernier mot, mais le début de la conversion, en faisant l’expérience de la tendresse du pardon. » (MV 20). Il est clair que Dieu cesserait d’être Dieu, s’il devrait fermer les yeux devant le pardon à accorder, et faire simplement justice. Dieu ne refuse pas la justice, mais Il l’intègre dans l’amour.

IV. La miséricorde du Père, au-delà des frontières religieuses et humaines.

«  La valeur de la miséricorde dépasse les frontières de l’Eglise » (MV 23). Notre Dieu fait miséricorde à tout le monde ; aux Juifs comme aux Musulmans, aux Chrétiens comme aux Païens. D’ailleurs l’Ecriture nous montre comment tout le long de son histoire, Israël est resté face à la miséricorde de Yahvé. La plupart des prophètes, naissant au milieu de ce peuple, ont clamé haut ce visage tendre et miséricordieux.

Dans les cultes quotidiens des Musulmans, nous retrouvons aussi ce qualificatif de miséricordieux adressé à Allah.

Jésus, de son côté, durant son ministère, a tendu sa main aux païens, longtemps considérés par les Juifs comme les rejetés de Dieu.  Nos limites ne doivent pas nous faire perdre l’idée selon laquelle Dieu contrôle l’humanité tout entière. Que la miséricorde de Dieu, accordée à tout le monde, renforce nos liens, et chasse toute forme de fermeture et de mépris.

V. Marie, mère de miséricorde.

Le Pape François nous propose Marie comme modèle de miséricorde. Il l’appelle la Mère de miséricorde ; ce, non parce qu’elle en est la source, mais parce que « sa vie entière fut modelée par la présence de la miséricorde faite chair. » (MV 24).  De l’Incarnation jusqu’à la croix, elle a dit oui à la bonté du Seigneur ; et Dieu a ouvert pour elle, son sanctuaire de miséricorde.

Conclusion.

Comme conclusion, nous voulons simplement réitérer cet appel du Pape à l’Eglise. « Qu’elle ne se lasse jamais d’offrir la miséricorde et soit toujours patiente pour encourager et pardonner. Que l’Eglise se fasse la voix de tout homme et de toute femme, et répète avec confiance et sans relâche : « Rappelle-toi Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours » (Ps 25, 6).




                                                                                      Abbé Axelrod GOUAMA KAYA

vendredi 11 septembre 2015

Le texte intégral de la Bulle du jubilé de la Miséricorde: Misericordiae Vultus.



MISERICORDIAE VULTUS
Bulle d'Indiction du Jubilé de la Miséricorde





FRANÇOIS
EVÊQUE DE ROME
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU
À CEUX QUI LIRONT CETTE LETTRE
GRÂCE, MISÉRICORDE ET PAIX

1.  Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier. Devenue vivante et visible, elle atteint son sommet en Jésus de Nazareth. Le Père, « riche en miséricorde » (Ep 2, 4) après avoir révélé son nom à Moïse comme « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (Ex 34, 6) n’a pas cessé de faire connaître sa nature divine de différentes manières et en de nombreux moments. Lorsqu’est venue la « plénitude des temps » (Ga 4, 4), quand tout fut disposé selon son dessein de salut, il envoya son Fils né de la Vierge Marie pour nous révéler de façon définitive son amour. Qui le voit a vu le Père (cf. Jn 14, 9). A travers sa parole, ses gestes, et toute sa personne,[1] Jésus de Nazareth révèle la miséricorde de Dieu.

2.  Nous avons toujours besoin de contempler le mystère de la miséricorde. Elle est source de joie, de sérénité et de paix. Elle est la condition de notre salut. Miséricorde est le mot qui révèle le mystère de la Sainte Trinité. La miséricorde, c’est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre. La miséricorde, c’est la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie. La miséricorde, c’est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de notre péché.

3.  Il y a des moments où nous sommes appelés de façon encore plus pressante, à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu ce  Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde, comme un temps favorable pour l’Eglise, afin que le témoignage rendu par les croyants soit plus fort et plus efficace.

L’Année  Sainte  s’ouvrira  le  8  décembre  2015,  solennité  de  l’Immaculée  Conception.  Cette  fête liturgique montre comment Dieu agit dès le commencement de notre histoire. Après qu’Adam et Eve eurent péché, Dieu n’a pas voulu que l’humanité demeure seule et en proie au mal. C’est pourquoi Marie a été pensée et voulue sainte et immaculée dans l’amour (cf. Ep 1, 4), pour qu’elle devienne la Mère du Rédempteur de l’homme. Face à la gravité du péché, Dieu répond par la plénitude du pardon. La miséricorde sera toujours plus grande que le péché, et nul ne peut imposer une limite à l’amour de Dieu qui pardonne. En cette fête de l’Immaculée Conception, j’aurai la joie d’ouvrir la Porte Sainte. En cette occasion, ce sera une Porte de la Miséricorde, où quiconque entrera pourra faire l’expérience de l’amour de Dieu qui console, pardonne, et donne l’espérance. Le  dimanche  suivant,  troisième  de  l’Avent,  la  Porte  Sainte  sera  ouverte  dans  la  cathédrale  de Rome, la Basilique Saint Jean de Latran. Ensuite seront ouvertes les Portes Saintes dans les autres Basiliques papales. Ce même dimanche, je désire que dans chaque Eglise particulière, dans la cathédrale qui est l’Eglise-mère pour tous les fidèles, ou bien dans la co-cathédrale ou dans une église d’importance particulière, une Porte de la Miséricorde soit également ouverte pendant toute l’Année Sainte. Au choix de l’Ordinaire du lieu, elle pourra aussi être ouverte dans les Sanctuaires où affluent tant de pèlerins qui, dans ces lieux ont le cœur touché par la grâce et trouvent le chemin de la conversion. Chaque Eglise particulière est donc directement invitée à vivre cette Année Sainte comme un moment extraordinaire de grâce et de renouveau spirituel. Donc, le Jubilé sera célébré à Rome, de même que dans les Eglises particulières, comme signe visible de la communion de toute l’Eglise.

4.  J’ai choisi la date du 8 décembre pour la signification qu’elle revêt dans l’histoire récente de l’Eglise. Ainsi, j’ouvrirai la Porte Sainte pour le cinquantième anniversaire de la conclusion du Concile œcuménique  Vatican  II.  L’Eglise  ressent  le  besoin  de  garder  vivant  cet  événement.  C’est  pour elle que commençait alors une nouvelle étape de son histoire. Les Pères du Concile avait perçu vivement, tel un souffle de l’Esprit, qu’il fallait parler de Dieu aux hommes de leur temps de façon plus compréhensible. Les murailles qui avaient trop longtemps enfermé l’Eglise comme dans une citadelle ayant été abattues, le temps était venu d’annoncer l’Evangile de façon renouvelée. Etape nouvelle pour l’évangélisation de toujours. Engagement nouveau de tous les chrétiens à témoigner avec plus d’enthousiasme et de conviction de leur foi. L’Eglise se sentait responsable d’être dans le monde le signe vivant de l’amour du Père.

Les paroles riches de sens que saint Jean XXIII a prononcées à l’ouverture du Concile pour montrer le chemin à parcourir reviennent en mémoire: « Aujourd’hui, l’Épouse du Christ, l’Église, préfère recourir  au  remède  de  la  miséricorde  plutôt  que  de  brandir  les  armes  de  la  sévérité …  L’Eglise catholique, en brandissant le flambeau de la vérité religieuse, veut se montrer la mère très aimante de tous, bienveillante, patiente, pleine d’indulgence et de bonté à l’égard de ses fils séparés ».[2] Dans la même perspective, lors de la conclusion du Concile, le bienheureux Paul VI s’exprimait ainsi : « Nous voulons plutôt souligner que la règle de notre Concile a été avant tout la charité … La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile…. Un courant d’affection et d’admiration a débordé du Concile sur le monde humain moderne. Des erreurs ont été dénoncées. Oui, parce que c’est l’exigence de la charité comme de la vérité mais, à l’adresse des personnes, il n’y eut que rappel, respect et amour. Au lieu de diagnostics déprimants, des remèdes encourageants ; au lieu de présages funestes, des messages de confiance sont partis du Concile vers le monde contemporain : ses valeurs ont été non seulement respectées, mais honorées ; ses efforts soutenus, ses aspirations purifiées et bénies… toute cette richesse doctrinale ne vise qu’à une chose : servir l’homme. Il s’agit, bien entendu, de tout homme, quels que soient sa condition, sa misère et ses besoins ».[3]
Animé  par  des  sentiments  de  gratitude  pour  tout  ce  que  l’Eglise  a  reçu,  et  conscient  de  la responsabilité qui est la nôtre, nous passerons la Porte Sainte sûrs d’être accompagnés par la force du Seigneur Ressuscité qui continue de soutenir notre pèlerinage. Que l’Esprit Saint qui guide les pas des croyants pour coopérer à l’œuvre du salut apporté par le Christ, conduise et soutienne le Peuple de Dieu pour l’aider à contempler le visage de la miséricorde.[4]

5.  C’est le 20 novembre 2016, en la solennité liturgique du Christ, Roi de l’Univers, que sera conclue l’Année jubilaire. En refermant la Porte Sainte ce jour-là, nous serons animés de sentiments de gratitude  et  d’action  de  grâce  envers  la  Sainte  Trinité  qui  nous  aura  donné  de  vivre  ce  temps extraordinaire de grâce. Nous confierons la vie de l’Eglise, l’humanité entière et tout le cosmos à la Seigneurie du Christ, pour qu’il répande sa miséricorde telle la rosée du matin, pour une histoire féconde à construire moyennant l’engagement de tous au service de notre proche avenir. Combien je désire que les années à venir soient comme imprégnées de miséricorde pour aller à la rencontre de chacun en lui offrant la bonté et la tendresse de Dieu! Qu’à tous, croyants ou loin de la foi, puisse parvenir le baume de la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjà présent au milieu de nous.

6.  « La  miséricorde  est  le  propre  de  Dieu  dont  la  toute-puissance  consiste  justement  à  faire miséricorde ».[5] Ces paroles de saint Thomas d’Aquin montrent que la miséricorde n’est pas un signe de faiblesse, mais bien l’expression de la toute-puissance de Dieu. C’est pourquoi une des plus antiques collectes de la liturgie nous fait prier ainsi : « Dieu qui donne la preuve suprême de ta puissance lorsque tu patientes et prends pitié ».[6] Dieu sera toujours dans l’histoire de l’humanité comme celui qui est présent, proche, prévenant, saint et miséricordieux. “Patient et miséricordieux”, tel est le binôme qui parcourt l’Ancien Testament pour exprimer la nature de Dieu. Sa miséricorde se manifeste concrètement à l’intérieur de tant d’événements de l’histoire du salut où sa bonté prend le pas sur la punition ou la destruction. D’une façon particulière, les Psaumes font apparaître cette grandeur de l’agir divin : « Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse » (Ps 102, 3-4). D’une façon encore plus explicite, un autre Psaume énonce les signes concrets de la miséricorde : « Il fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les enchaînés. Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes, le Seigneur protège l’étranger. Il soutient la veuve et l’orphelin, il égare les pas du méchant » (145,7-9). Voici enfin une autre expression du psalmiste : « [Le Seigneur] guérit les cœurs brisés et soigne leurs blessures… Le Seigneur élève les humbles et rabaisse jusqu’à terre les impies » (146, 3.6). En bref, la miséricorde de Dieu n’est pas une idée abstraite, mais une réalité concrète à travers laquelle Il révèle son amour comme celui d’un père et d’une mère qui se laissent émouvoir au plus profond d’eux mêmes par leur fils. Il est juste de parler d’un amour « viscéral ». Il vient du cœur comme un sentiment profond, naturel, fait de tendresse et de compassion, d’indulgence et de pardon.

7.  « Eternel est son amour » : c’est le refrain qui revient à chaque verset du Psaume 135 dans le récit de l’histoire de la révélation de Dieu. En raison de la miséricorde, tous les événements de l’Ancien Testament sont riches d’une grande valeur salvifique. La miséricorde fait de l’histoire de Dieu avec Israël une histoire du salut. Répéter sans cesse : « Eternel est son amour » comme fait le Psaume, semble vouloir briser le cercle de l’espace et du temps pour tout inscrire dans le mystère éternel de l’amour. C’est comme si l’on voulait dire que non seulement dans l’histoire, mais aussi dans l’éternité, l’homme sera toujours sous le regard miséricordieux du Père. Ce n’est pas par hasard que le peuple d’Israël a voulu intégrer ce Psaume, le “grand hallel” comme on l’appelle, dans les fêtes liturgiques les plus importantes. Avant la Passion, Jésus a prié avec ce Psaume de la miséricorde. C’est ce qu’atteste l’évangéliste Matthieu quand il dit qu’« après  avoir  chanté  les  Psaumes »  (26,  30),  Jésus  et  ses  disciples  sortirent  en  direction  du Mont des Oliviers. Lorsqu’il instituait l’Eucharistie, mémorial pour toujours de sa Pâque, il établissait symboliquement cet acte suprême de la Révélation dans la lumière de la miséricorde. Sur ce même horizon de la miséricorde, Jésus vivait sa passion et sa mort, conscient du grand mystère d’amour qui s’accomplissait sur la croix. Savoir que Jésus lui-même a prié avec ce Psaume le rend encore plus important pour nous chrétiens, et nous appelle à en faire le refrain de notre prière quotidienne de louange : « Eternel est son amour ».

8.  Le regard fixé sur Jésus et son visage miséricordieux, nous pouvons accueillir l’amour de la Sainte Trinité. La mission que Jésus a reçue du Père a été de révéler le mystère de l’amour divin dans sa plénitude. L’évangéliste Jean affirme pour la première et unique fois dans toute l’Ecriture : « Dieu est amour » (1 Jn 4, 8.16). Cet amour est désormais rendu visible et tangible dans toute la vie de Jésus. Sa personne n’est rien d’autre qu’amour, un amour qui se donne gratuitement. Les relations avec les personnes qui s’approchent de lui ont quelque chose d’unique et de singulier. Les signes qu’il accomplit, surtout envers les pécheurs, les pauvres, les exclus, les malades et les souffrants, sont marqués par la miséricorde. Tout en Lui parle de miséricorde. Rien en Lui ne manque de compassion.

Face à la multitude qui le suivait, Jésus, voyant qu’ils étaient fatigués et épuisés, égarés et sans berger, éprouva au plus profond de son cœur, une grande compassion pour eux (cf. Mt 9, 36). En raison de cet amour de compassion, il guérit les malades qu’on lui présentait (cf. Mt 14, 14), et il rassasia une grande foule avec peu de pains et de poissons (cf. Mt 15, 37). Ce qui animait Jésus en toute circonstance n’était rien d’autre que la miséricorde avec laquelle il lisait dans le cœur de ses interlocuteurs et répondait à leurs besoins les plus profonds. Lorsqu’il rencontra la veuve de Naïm qui emmenait son fils unique au tombeau, il éprouva une profonde compassion pour la douleur immense de cette mère en pleurs, et il lui redonna son fils, le ressuscitant de la mort (cf. Lc 7, 15). Après avoir libéré le possédé de Gerasa, il lui donna cette mission : « Annonce tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde » (Mc 5, 19). L’appel de Matthieu est lui aussi inscrit sur l’horizon de la miséricorde. Passant devant le comptoir des impôts, Jésus regarda Matthieu dans les yeux. C’était un regard riche de miséricorde qui pardonnait les péchés de cet homme, et surmontant les résistances des autres disciples, il le choisit, lui, le pécheur et le publicain, pour devenir l’un des Douze. Commentant cette scène de l’Evangile, Saint Bède le Vénérable a écrit que Jésus regarda Matthieu avec un amour miséricordieux, et le choisit : miserando atque eligendo.[7] Cette expression m’a toujours fait impression au point d’en faire ma devise.

9.  Dans les paraboles de la miséricorde, Jésus révèle la nature de Dieu comme celle d’un Père qui ne s’avoue jamais vaincu jusqu’à ce qu’il ait absous le péché et vaincu le refus, par la compassion et la miséricorde. Nous connaissons ces paraboles, trois en particulier : celle de la brebis égarée, celle de la pièce de monnaie perdue, et celle du père et des deux fils (cf. Lc 15, 1-32). Dans ces paraboles, Dieu est toujours présenté comme rempli de joie, surtout quand il pardonne. Nous y trouvons le noyau de l’Evangile et de notre foi, car la miséricorde y est présentée comme la force victorieuse de tout, qui remplit le cœur d’amour, et qui console en pardonnant.

Dans une autre parabole, nous recevons un enseignement pour notre manière de vivre en chrétiens. Interpellé par la question de Pierre lui demandant combien de fois il fallait pardonner, Jésus répondit: « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante dix fois sept fois » (Mt 18, 22). Il raconte ensuite la parabole du « débiteur sans pitié ». Appelé par son maître à rendre une somme importante,  il le supplie à genoux et le maître lui remet sa dette. Tout de suite après, il rencontre un autre serviteur qui lui devait quelques centimes. Celui-ci le supplia à genoux d’avoir pitié, mais il refusa et le fit emprisonner. Ayant appris la chose, le maître se mit en colère et rappela le serviteur pour lui dire : « Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ? » (Mt 18, 33). Et Jésus conclut : « C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur » (Mt 18, 35).

La parabole est d’un grand enseignement pour chacun de nous. Jésus affirme que la miséricorde n’est  pas  seulement  l’agir  du  Père,  mais  elle  devient  le  critère  pour  comprendre  qui  sont  ses véritables  enfants.  En  résumé,  nous  sommes  invités  à  vivre  de  miséricorde  parce  qu’il  nous  a d’abord  été  fait  miséricorde.  Le  pardon  des  offenses  devient  l’expression  la  plus  manifeste  de l’amour miséricordieux, et pour nous chrétiens, c’est un impératif auquel nous ne pouvons pas nous soustraire. Bien souvent, il nous semble difficile de pardonner ! Cependant, le pardon est le moyen déposé dans nos mains fragiles pour atteindre la paix du cœur. Se défaire de la rancœur, de la colère, de la violence et de la vengeance, est la condition nécessaire pour vivre heureux. Accueillons donc la demande de l’apôtre : « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère » (Ep 4, 26). Ecoutons surtout la parole de Jésus qui a établi la miséricorde comme idéal de vie, et  comme  critère  de  crédibilité  de  notre  foi :  « Heureux  les  miséricordieux,  car  ils  obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7). C’est la béatitude qui doit susciter notre engagement tout particulier en cette Année Sainte.

Comme on peut le remarquer, la miséricorde est, dans l’Ecriture, le mot-clé pour indiquer l’agir de Dieu envers nous. Son amour n’est pas seulement affirmé, mais il est rendu visible et tangible. D’ailleurs, l’amour ne peut jamais être un mot abstrait. Par nature, il est vie concrète : intentions, attitudes,  comportements  qui  se  vérifient  dans  l’agir  quotidien.  La  miséricorde  de  Dieu  est  sa responsabilité envers nous. Il se sent responsable, c’est-à-dire qu’il veut notre bien et nous voir heureux, remplis de joie et de paix. L’amour miséricordieux des chrétiens doit être sur la même longueur d’onde. Comme le Père aime, ainsi aiment les enfants. Comme il est miséricordieux, ainsi sommes-nous appelés à être miséricordieux les uns envers les autres.

10.  La miséricorde est le pilier qui soutient la vie de l’Eglise. Dans son action pastorale, tout devrait être enveloppé de la tendresse par laquelle on s’adresse aux croyants. Dans son annonce et le témoignage qu’elle donne face au monde, rien ne peut être privé de miséricorde. La crédibilité de l’Eglise passe par le chemin de l’amour miséricordieux et de la compassion. L’Eglise « vit un désir inépuisable d’offrir la miséricorde ».[8] Peut-être avons-nous parfois oublié de montrer et de vivre le chemin de la miséricorde. D’une part, la tentation d’exiger toujours et seulement la justice a fait oublier qu’elle n’est qu’un premier pas, nécessaire et indispensable, mais l’Eglise doit aller au-delà pour atteindre un but plus haut et plus significatif. D’autre part, il est triste de voir combien l’expérience du pardon est toujours plus rare dans notre culture. Même le mot semble parfois disparaître. Sans le témoignage du pardon, il n’y a qu’une vie inféconde et stérile, comme si l’on vivait dans un désert. Le temps est venu pour l’Eglise de retrouver la joyeuse annonce du pardon. Il est temps de revenir à l’essentiel pour se charger des faiblesses et des difficultés de nos frères. Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne le courage pour regarder l’avenir avec espérance.

11.  Nous ne pouvons pas oublier le grand enseignement que saint Jean-Paul II nous a donné dans sa deuxième encyclique Dives in misericordia, qui arriva à l’époque de façon inattendue et provoqua beaucoup de surprise en raison du thème abordé. Je voudrais revenir plus particulièrement sur deux expressions. Tout d’abord le saint Pape remarque l’oubli du thème de la miséricorde dans la culture actuelle : « La mentalité contemporaine semble s’opposer au Dieu de miséricorde, et elle tend à éliminer de la vie et à ôter du cœur humain la notion même de miséricorde. Le mot et l’idée de miséricorde semblent mettre mal à l’aise l’homme qui, grâce à un développement scientifique et technique inconnu jusqu’ici, est devenu maître de la terre qu’il a soumise et dominée (cf. Gn 1, 28).Cette domination de la terre, entendue parfois de façon unilatérale et superficielle, ne laisse pas de place, semble-t-il, à la miséricorde… Et c’est pourquoi, dans la situation actuelle de l’Eglise et du monde, bien des hommes et bien des milieux, guidés par un sens aigu de la foi, s’adressent, je dirais quasi spontanément, à la miséricorde de Dieu ».[9]

C’est ainsi que saint Jean-Paul II justifiait l’urgence de l’annonce et du témoignage à l’égard de la miséricorde dans le monde contemporain : « Il est dicté par l’amour envers l’homme, envers tout ce qui est humain, et qui, selon l’intuition d’une grande partie des hommes de ce temps, est menacé par un péril immense. Le mystère du Christ … m’a poussé à rappeler dans l’encyclique Redemptor Hominis sa  dignité  incomparable,  m’oblige  aussi  à  proclamer  la  miséricorde  en  tant  qu’amour miséricordieux  de  Dieu  révélé  dans  ce  mystère.  Il  me  conduit  également  à  en  appeler  à  cette miséricorde et à l’implorer dans cette phase difficile et critique de l’histoire de l’Eglise et du monde ». [10] Son enseignement demeure plus que jamais d’actualité et mérite d’être repris en cette Année Sainte. Recevons ses paroles de façon renouvelée : « L’Eglise vit d’une vie authentique lorsqu’elle professe et proclame la Miséricorde, attribut le plus admirable du Créateur et du Rédempteur, et lorsqu’elle conduit les hommes aux sources de la Miséricorde du Sauveur, dont elle est la dépositaire et la dispensatrice ».[11]

12.  L’Eglise a pour mission d’annoncer la miséricorde de Dieu, cœur battant de l’Evangile, qu’elle doit faire parvenir au cœur et à l’esprit de tous. L’Epouse du Christ adopte l’attitude du Fils de Dieu qui va à la rencontre de tous, sans exclure personne. De nos jours où l’Eglise est engagée dans la nouvelle évangélisation, le thème de la miséricorde doit être proposé avec un enthousiasme nouveau et à travers une pastorale renouvelée. Il est déterminant pour l’Eglise et pour la crédibilité de son annonce de vivre et de témoigner elle-même de la miséricorde. Son langage et ses gestes doivent transmettre la miséricorde pour pénétrer le cœur des personnes et les inciter à retrouver le chemin du retour au Père.

La vérité première de l’Eglise est l’amour du Christ. L’Eglise se fait servante et médiatrice de cet amour qui va jusqu’au pardon et au don de soi. En conséquence, là où l’Eglise est présente, la miséricorde du Père doit être manifeste. Dans nos paroisses, les communautés, les associations et les mouvements, en bref, là où il y a des chrétiens, quiconque doit pouvoir trouver une oasis de miséricorde.

13.  Nous voulons vivre cette Année Jubilaire à la lumière de la parole du Seigneur : Miséricordieux comme le Père.  L’évangéliste rapporte l’enseignement du Christ qui dit : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 36). C’est un programme de vie aussi exigeant que riche de joie et de paix. Le commandement de Jésus s’adresse à ceux qui écoutent sa voix (cf. Lc 6, 27). Pour être capable de miséricorde, il nous faut donc d’abord nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu. Cela veut dire qu’il nous faut retrouver la valeur du silence pour méditer la Parole qui nous est adressée. C’est ainsi qu’il est possible de contempler la miséricorde de Dieu et d’en faire notre style de vie.

14.  Le pèlerinage est un signe particulier de l’Année Sainte : il est l’image du chemin que chacun parcourt au long de son existence. La vie est un pèlerinage, et l’être humain un viator,  un pèlerin qui parcourt un chemin jusqu’au but désiré. Pour passer la Porte Sainte à Rome, et en tous lieux, chacun devra, selon ses forces, faire un pèlerinage. Ce sera le signe que la miséricorde est un but à atteindre, qui demande engagement et sacrifice. Que le pèlerinage stimule notre conversion : en passant la Porte Sainte, nous nous laisserons embrasser par la miséricorde de Dieu, et nous nous engagerons à être miséricordieux avec les autres comme le Père l’est avec nous.

Le Seigneur Jésus nous montre les étapes du pèlerinage à travers lequel nous pouvons atteindre ce but : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous » (Lc 6, 37-38). Il nous est dit, d’abord, de ne pas juger, et de ne pas condamner. Si l’on ne veut pas être exposé au jugement de Dieu, personne ne doit devenir juge de son frère. De fait, en jugeant, les hommes s’arrêtent à ce qui est superficiel, tandis que le Père regarde les cœurs. Que de mal les paroles ne font-elles pas lorsqu’elles sont animées par des sentiments de jalousie ou d’envie ! Mal parler du frère en son absence, c’est le mettre sous un faux jour, c’est compromettre sa réputation et l’abandonner aux ragots. Ne pas juger et ne pas condamner signifie, de façon positive, savoir accueillir ce qu’il y a de bon en toute personne et ne pas permettre quelle ait à souffrir de notre jugement partiel et de notre prétention à tout savoir. Ceci n’est pas encore suffisant pour exprimer ce qu’est la miséricorde. Jésus demande aussi de  pardonner et de  donner, d’être instruments du pardon puisque nous l’avons déjà reçu de Dieu, d’être généreux à l’égard de tous en sachant que Dieu étend aussi sa bonté pour nous avec grande magnanimité.

Miséricordieux comme le Père, c’est donc la “devise” de l’Année Sainte. Dans la miséricorde, nous avons la preuve de la façon dont Dieu aime. Il se donne tout entier, pour toujours, gratuitement, et sans rien demander en retour. Il vient à notre secours lorsque nous l’invoquons. Il est beau que la prière quotidienne de l’Eglise commence avec ces paroles : « Mon Dieu, viens me délivrer ; Seigneur, viens vite à mon secours »  (Ps69, 2). L’aide que nous implorons est déjà le premier pas de la miséricorde de Dieu à notre égard. Il vient nous sauver de la condition de faiblesse dans laquelle nous vivons. Son aide consiste à rendre accessible sa présence et sa proximité. Touchés jour après jour par sa compassion, nous pouvons nous aussi devenir compatissants envers tous.

15.  Au cours de cette Année Sainte, nous pourrons faire l’expérience d’ouvrir le cœur à ceux qui vivent  dans  les  périphéries  existentielles  les  plus  différentes,  que  le  monde  moderne  a  souvent créées de façon dramatique. Combien de situations de précarité et de souffrance n’existent-elles pas dans le monde d’aujourd’hui ! Combien de blessures ne sont-elles pas imprimées dans la chair de ceux qui n’ont plus de voix parce que leur cri s’est évanoui et s’est tu à cause de l’indifférence des peuples riches ! Au cours de ce Jubilé, l’Eglise sera encore davantage appelée à soigner ces blessures, à les soulager avec l’huile de la consolation, à les panser avec la miséricorde et à les soigner par la solidarité et l’attention. Ne tombons pas dans l’indifférence qui humilie, dans l’habitude qui anesthésie l’âme et empêche de découvrir la nouveauté, dans le cynisme destructeur. Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde, les blessures de tant de frères et sœurs privés de dignité, et sentons-nous appelés à entendre leur cri qui appelle à l’aide. Que nos mains serrent leurs mains et les attirent vers nous afin qu’ils sentent la chaleur de notre présence, de l’amitié et de la fraternité. Que leur cri devienne le nôtre et qu’ensemble, nous puissions briser la barrière d’indifférence qui règne souvent en souveraine pour cacher l’hypocrisie et l’égoïsme.

J’ai un grand désir que le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Evangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine. La prédication de Jésus nous dresse le tableau de ces œuvres de miséricorde, pour que nous puissions comprendre si nous vivons, oui ou non, comme ses disciples. Redécouvrons les œuvres de miséricorde corporelles : donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. Et n’oublions pas les œuvres de miséricorde spirituelles : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts.

Nous ne pouvons pas échapper aux paroles du Seigneur et c’est sur elles que nous serons jugés : aurons-nous donné à manger à qui a faim et à boire à qui a soif ? Aurons-nous accueilli l’étranger et vêtu celui qui était nu ? Aurons-nous pris le temps de demeurer auprès de celui qui est malade et prisonnier ? (cf. Mt 25, 31-45). De même, il nous sera demandé si nous avons aidé à sortir du doute qui engendre la peur, et bien souvent la solitude; si nous avons été capable de vaincre l’ignorance dans laquelle vivent des millions de personnes, surtout des enfants privés de l’aide nécessaire pour être libérés de la pauvreté, si nous nous sommes fait proches de celui qui est seul et affligé; si nous avons pardonné à celui qui nous offense, si nous avons rejeté toute forme de rancœur et de haine qui porte à la violence, si nous avons été patient à l’image de Dieu qui est si patient envers nous; si enfin, nous avons confié au Seigneur, dans la prière nos frères et sœurs. C’est dans chacun de ces « plus petits » que le Christ est présent. Sa chair devient de nouveau visible en tant que corps torturé, blessé, flagellé, affamé, égaré… pour être reconnu par nous, touché et assisté avec soin. N’oublions pas les paroles de Saint Jean de la Croix : « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour ».[12]

16. Dans l’Evangile de Luc, nous trouvons un autre aspect important pour vivre avec foi ce Jubilé. L’évangéliste raconte qu’un jour de sabbat, Jésus retourna à Nazareth, et comme il avait l’habitude de le faire, il entra dans la synagogue. On l’appela pour lire l’Ecriture et la commenter. C’était le passage du prophète Isaïe où il est écrit : « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur » (Is 61, 1-2). « Une année de bienfaits » : c’est ce que le Seigneur annonce et que nous voulons vivre. Que cette Année Sainte expose la richesse de la mission de Jésus qui résonne dans les paroles du Prophète : dire une parole et faire un geste de consolation envers les pauvres, annoncer la libération de ceux qui sont esclaves dans les nouvelles prisons de la société moderne, redonner la vue à qui n’est plus capable de voir car recroquevillé sur lui-même, redonner la dignité à ceux qui en sont privés. Que la prédication de Jésus soit de nouveau visible dans les réponses de foi que les chrétiens sont amenés à donner par leur témoignage. Que les paroles de l’Apôtre nous accompagnent : « celui qui pratique la miséricorde, qu’il ait le sourire » (Rm12, 8).

17.  Puisse le Carême de cette Année Jubilaire être vécu plus intensément comme un temps fort pour célébrer et expérimenter la miséricorde de Dieu. Combien de pages de l’Ecriture peuvent être méditées pendant les semaines du Carême, pour redécouvrir le visage miséricordieux du Père ! Nous pouvons nous aussi répéter avec Michée : Toi, Seigneur, tu es un Dieu qui efface l’iniquité et pardonne le péché. De nouveau, tu nous montreras ta miséricorde, tu fouleras aux pieds nos crimes, tu jetteras au fond de la mer tous nos péchés ! (cf. 7, 18-19).

Ces pages du prophète Isaïe pourront être méditées plus concrètement en ce temps de prière, de jeûne et de charité : « Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche.

Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira : « Me voici. » Si tu fais disparaître de chez toi le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante, si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. Le Seigneur sera toujours ton guide. En plein désert, il comblera tes désirs et te rendra vigueur. Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme une source où les eaux ne manquent jamais » (Is 58, 6-11).

L’initiative appelée « 24 heures pour le Seigneur »  du vendredi et samedi qui précèdent le IVème dimanche  de  Carême  doit  monter  en  puissance  dans  les  diocèses.  Tant  de  personnes  se  sont de nouveau approchées du sacrement de Réconciliation, et parmi elles de nombreux jeunes, qui retrouvent  ainsi  le  chemin  pour  revenir  au  Seigneur,  pour  vivre  un  moment  de  prière  intense, et  redécouvrir  le  sens  de  leur  vie.  Avec  conviction,  remettons  au  centre  le  sacrement  de  la Réconciliation, puisqu’il donne à toucher de nos mains la grandeur de la miséricorde. Pour chaque pénitent, ce sera une source d’une véritable paix intérieure.

Je  ne  me  lasserai  jamais  d’insister  pour  que  les  confesseurs  soient  un  véritable  signe  de  la miséricorde du Père. On ne s’improvise pas confesseur. On le devient en se faisant d’abord pénitent en quête de pardon. N’oublions jamais qu’être confesseur, c’est participer à la mission de Jésus d’être signe concret de la continuité d’un amour divin qui pardonne et qui sauve. Chacun de nous a reçu le don de l’Esprit Saint pour le pardon des péchés, nous en sommes responsables. Nul d’entre nous n’est maître du sacrement, mais un serviteur fidèle du pardon de Dieu. Chaque confesseur doit accueillir les fidèles comme le père de la parabole du fils prodigue : un père qui court à la rencontre du fils bien qu’il ait dissipé tous ses biens. Les confesseurs sont appelés à serrer sur eux ce fils repentant qui revient à la maison, et à exprimer la joie de l’avoir retrouvé. Ils ne se lasseront pas non plus d’aller vers l’autre fils resté dehors et incapable de se réjouir, pour lui faire comprendre que son jugement est sévère et injuste, et n’a pas de sens face à la miséricorde du Père qui n’a pas de limite. Ils ne poseront pas de questions impertinentes, mais comme le père de la parabole, ils interrompront le discours préparé par le fils prodigue, parce qu’ils sauront accueillir dans le cœur du pénitent l’appel à l’aide et la demande de pardon. En résumé, les confesseurs sont appelés, toujours, partout et en toutes situations, à être le signe du primat de la miséricorde.

18.  Au cours du carême de cette Année Sainte, j’ai l’intention d’envoyer les  Missionnaires de l Miséricorde. Ils seront le signe de la sollicitude maternelle de l’Eglise à l’égard du Peuple de Dieu, pour qu’il entre en profondeur dans la richesse de ce mystère aussi fondamental pour la foi. Ce seront des prêtres à qui j’aurai donné l’autorité pour pardonner aussi les péchés qui sont réservés au Siège Apostolique, afin de rendre explicite l’étendue de leur mandat. Ils seront surtout signe vivant de la façon dont le Père accueille ceux qui sont à la recherche de son pardon. Ils seront des missionnaires de la miséricorde car ils se feront auprès de tous l’instrument d’une rencontre riche en humanité, source de libération, lourde de responsabilité afin de dépasser les obstacles à la reprise de la vie nouvelle du Baptême. Dans leur mission, ils se laisseront guider par la parole de l’Apôtre : « Dieu, en effet, a enfermé tous les hommes dans le refus de croire pour faire à tous miséricorde » (Rm 11, 32). De fait, tous, sans exclusion, sont invités à accueillir l’appel à la miséricorde. Que les missionnaires vivent cet appel en fixant le regard sur Jésus, « Grand-Prêtre miséricordieux et digne de foi » (He 2, 17).

Je demande à mes frères évêques d’inviter et d’accueillir ces Missionnaires, pour qu’ils soient avant tout des prédicateurs convaincants de la miséricorde. Que soient organisées dans les diocèses des « missions vers le peuple », de sorte que ces Missionnaires soient les hérauts de la joie du pardon. Qu’ils célèbrent le sacrement de la Réconciliation pour le peuple, pour que le temps de grâce de l’Année Jubilaire permette à de nombreux fils éloignés de retrouver le chemin de la maison paternelle. Que les pasteurs, spécialement pendant le temps fort du Carême, soient invités à appeler les fidèles à s’approcher « vers le Trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir la grâce de son secours » (He 4, 16).

19.  Que  puisse  parvenir  à  tous  la  parole  de  pardon  et  que  l’invitation  à  faire  l’expérience  de la  miséricorde  ne  laisse  personne  indifférent !  Mon  appel  à  la  conversion  s’adresse  avec  plus d’insistance à ceux qui se trouvent éloignés de la grâce de Dieu en raison de leur conduite de vie. Je pense en particulier aux hommes et aux femmes qui font partie d’une organisation criminelle quelle qu’elle soit. Pour votre bien, je vous demande de changer de vie. Je vous le demande au nom du Fils de Dieu qui, combattant le péché, n’a jamais rejeté aucun pécheur. Ne tombez pas dans le terrible piège qui consiste à croire que la vie ne dépend que de l’argent, et qu’à côté, le reste n’aurait ni valeur, ni dignité. Ce n’est qu’une illusion. Nous n’emportons pas notre argent dans l’au-delà. L’argent ne donne pas le vrai bonheur. La violence pour amasser de l’argent qui fait couler le sang ne rend ni puissant, ni immortel. Tôt ou tard, le jugement de Dieu viendra, auquel nul ne pourra échapper.

Le même appel s’adresse aux personnes fautives ou complices de corruption. Cette plaie puante de la société est un péché grave qui crie vers le ciel, car il mine jusqu’au fondement de la vie personnelle et sociale. La corruption empêche de regarder l’avenir avec espérance, parce que son arrogance et son avidité anéantissent les projets des faibles et chassent les plus pauvres. C’est un mal qui prend racine dans les gestes quotidiens pour s’étendre jusqu’aux scandales publics. La corruption est un acharnement dans le péché qui entend substituer à Dieu l’illusion de l’argent comme forme de pouvoir. C’est une œuvre des ténèbres, qui s’appuie sur la suspicion et l’intrigue. Corruptio optimi pessima, disait avec raison saint Grégoire le Grand, pour montrer que personne n’est exempt de cette tentation. Pour la vaincre dans la vie individuelle et sociale, il faut de la prudence, de la vigilance, de la loyauté, de la transparence, le tout en lien avec le courage de la dénonciation. Si elle n’est pas combattue ouvertement, tôt ou tard on s’en rend complice et elle détruit l’existence.

Voici le moment favorable pour changer de vie ! Voici le temps de se laisser toucher au cœur. Face au mal commis, et même aux crimes graves, voici le moment d’écouter pleurer les innocents dépouillés de leurs biens, de leur dignité, de leur affection, de leur vie même. Rester sur le chemin du mal n’est que source d’illusion et de tristesse. La vraie vie est bien autre chose. Dieu ne se lasse pas de tendre la main. Il est toujours prêt à écouter, et moi aussi je le suis, comme mes frères évêques et prêtres. Il suffit d’accueillir l’appel à la conversion et de se soumettre à la justice, tandis que l’Eglise offre la miséricorde.

20.  Dans ce contexte, il n’est pas inutile de rappeler le rapport entre  justice et  miséricorde. Il ne s’agit pas de deux aspects contradictoires, mais de deux dimensions d’une unique réalité qui se développe progressivement jusqu’à atteindre son sommet dans la plénitude de l’amour. La justice est un concept fondamental pour la société civile, quand la référence normale est l’ordre juridique à travers lequel la loi s’applique. La justice veut que chacun reçoive ce qui lui est dû. Il est fait référence de nombreuses fois dans la Bible à la justice divine et à Dieu comme juge. On entend par là l’observance intégrale de la Loi et le comportement de tout bon israëlite conformément aux commandements de Dieu. Cette vision est cependant souvent tombée dans le légalisme, déformant ainsi le sens originel et obscurcissant le sens profond de la justice. Pour dépasser cette perspective légaliste, il faut se rappeler que dans l’Ecriture, la justice est essentiellement conçue comme un abandon confiant à la volonté de Dieu.

Pour sa part, Jésus s’exprime plus souvent sur l’importance de la foi que sur l’observance de la loi. C’est en ce sens qu’il nous faut comprendre ses paroles, lorsqu’à table avec Matthieu et d’autres publicains et pécheurs, il dit aux pharisiens qui le critiquent : « Allez apprendre ce que  signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs » (Mt 9, 13). En face d’une vision de la justice comme simple observance de la loi qui divise entre justes et pécheurs, Jésus indique le grand don de la miséricorde qui va à la recherche des pécheurs pour leur offrir le pardon et le salut. On comprend alors pourquoi Jésus fut rejeté par les pharisiens et les docteurs de la loi, à cause de sa vision libératrice et source de renouveau. Pour être fidèles à la loi, ils posaient des poids sur les épaules des gens, rendant vaine la miséricorde du  Père. Le respect de la loi ne peut faire obstacle aux exigences de la dignité humaine.

L’évocation que fait Jésus du prophète Osée – « Je veux la fidélité, non le sacrifice »  (6, 6) – est très significative. Jésus affirme que la règle de vie de ses disciples devra désormais intégrer le primat de la miséricorde, comme Lui-même en a témoigné, partageant son repas avec les pécheurs. La miséricorde se révèle une nouvelle fois comme une dimension fondamentale de la mission de Jésus. Elle est un véritable défi face à ses interlocuteurs qui s’arrêtaient au respect formel de la loi. Jésus au contraire, va au-delà de la loi; son partage avec ceux que la loi considérait comme pécheurs fait comprendre jusqu’où va sa miséricorde.

L’apôtre Paul a parcouru un chemin similaire. Avant de rencontrer le Christ sur le chemin de Damas, il consacrait sa vie à observer de manière irréprochable la justice de la loi (cf. Ph 3, 6). La conversion au Christ l’amena à changer complètement de regard, au point qu’il affirme dans la Lettre aux Galates : « Nous avons cru, nous aussi, au Christ Jésus pour devenir des justes par la foi au Christ, et non par la pratique de la Loi » (2, 16). Sa compréhension de la justice change radicalement. Paul situe désormais en premier la foi, et non plus la loi. Ce n’est pas l’observance de la loi qui sauve, mais la foi en Jésus-Christ, qui par sa mort et sa résurrection, nous a donné la miséricorde qui justifie. La justice de Dieu devient désormais libération pour ceux qui sont esclaves du péché et de toutes ses conséquences. La justice de Dieu est son pardon (cf. Ps 50, 11-16).

21.  La miséricorde n’est pas contraire à la justice, mais illustre le comportement de Dieu envers le pécheur, lui offrant une nouvelle possibilité de se repentir, de se convertir et de croire. Ce qu’a vécu le prophète Osée nous aide à voir le dépassement de la justice par la miséricorde. L’époque de ce prophète est parmi les plus dramatiques de l’histoire du peuple hébreu. Le Royaume est près d’être détruit ; le peuple n’est pas demeuré fidèle à l’alliance, il s’est éloigné de Dieu et a perdu la foi des Pères. Suivant une logique humaine, il est juste que Dieu pense à rejeter le peuple infidèle : il n’a pas été fidèle au pacte, et il mérite donc la peine prévue, c’est-à-dire l’exil. Les paroles du prophète l’attestent : « Il ne retournera pas au pays d’Égypte ; Assour deviendra son roi, car ils ont refusé de revenir à moi » (Os 11, 5). Cependant, après cette réaction qui se réclame de la justice, le prophète change radicalement son langage et révèle le vrai visage de Dieu : « Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent. Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer » (11, 8-9). Commentant les paroles du prophète, saint Augustin écrit : « Il est plus facile pour Dieu de retenir la colère plutôt que la miséricorde ».[13] C’est exactement ainsi. La colère de Dieu ne dure qu’un instant, et sa miséricorde est éternelle.

 Si Dieu s’arrêtait à la justice, il cesserait d’être Dieu ; il serait comme tous les hommes qui invoquent le respect de la loi. La justice seule ne suffit pas et l’expérience montre que faire uniquement appel à elle risque de l’anéantir. C’est ainsi que Dieu va au-delà de la justice avec la miséricorde et le pardon. Cela ne signifie pas dévaluer la justice ou la rendre superflue, au contraire. Qui se trompe devra purger sa peine, mais ce n’est pas là le dernier mot, mais le début de la conversion, en faisant l’expérience de la tendresse du pardon. Dieu ne refuse pas la justice. Il l’intègre et la dépasse dans un événement plus grand dans lequel on fait l’expérience de l’amour, fondement d’une vraie justice. Il nous faut prêter grande attention à ce qu’écrit Paul pour ne pas faire la même erreur que l’Apôtre reproche à ses contemporains juifs : « En ne reconnaissant pas la justice qui vient de Dieu, et en cherchant à instaurer leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu. Car l’aboutissement de la Loi, c’est le Christ, afin que soit donnée la justice à toute personne qui croit » (Rm 10, 3-4). Cette justice de Dieu est la miséricorde accordée à tous comme une grâce venant de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. La Croix du Christ est donc le jugement de Dieu sur chacun de nous et sur le monde, puisqu’elle nous donne la certitude de l’amour et de la vie nouvelle.

22.  Le jubilé amène la réflexion sur l’indulgence. Elle revêt une importance particulière au cours de cette Année Sainte. Le pardon de Dieu pour nos péchés n’a pas de limite. Dans la mort et la  résurrection de Jésus-Christ, Dieu rend manifeste cet amour qui va jusqu’à détruire le péché des hommes. Il est possible de se laisser réconcilier avec Dieu à travers le mystère pascal et la médiation de  l’Eglise.  Dieu  est  toujours  prêt  au  pardon  et  ne  se  lasse  jamais  de  l’offrir  de  façon  toujours nouvelle et inattendue. Nous faisons tous l’expérience du péché. Nous sommes conscients d’être appelés à la perfection (cf. Mt 5, 48), mais nous ressentons fortement le poids du péché. Quand nous percevons la puissance de la grâce qui nous transforme, nous faisons l’expérience de la force du péché qui nous conditionne. Malgré le pardon, notre vie est marquée par les contradictions qui sont la conséquence de nos péchés. Dans le sacrement de la Réconciliation, Dieu pardonne les péchés, et ils sont réellement effacés, cependant que demeure l’empreinte négative des péchés dans nos comportements et nos pensées. La miséricorde de Dieu est cependant plus forte que ceci. Elle devient indulgence du Père qui rejoint le pécheur pardonné à travers l’Epouse du Christ, et le libère de tout ce qui reste des conséquences du péché, lui donnant d’agir avec charité, de grandir dans l’amour plutôt que de retomber dans le péché.

L’Eglise vit la communion des saints. Dans l’eucharistie, cette communion, qui est don de Dieu, est rendue présente comme une union spirituelle qui lie les croyants avec les Saints et les Bienheureux dont le nombre est incalculable (cf. Ap 7,4). Leur sainteté vient au secours de notre fragilité, et la Mère Eglise est ainsi capable, par sa prière et sa vie, d’aller à la rencontre de la faiblesse des uns avec la sainteté des autres. Vivre l’indulgence de l’Année Sainte, c’est s’approcher de la miséricorde du Père, avec la certitude que son pardon s’étend à toute la vie des croyants. L’indulgence, c’est l’expérience de la sainteté de l’Eglise qui donne à tous de prendre part au bénéfice de la rédemption du Christ, en faisant en sorte que le pardon parvienne jusqu’aux extrêmes conséquences que rejoint l’amour de Dieu. Vivons intensément le Jubilé, en demandant au Père le pardon des péchés et l’étendue de son indulgence miséricordieuse.

23.  La valeur de la miséricorde dépasse les frontières de l’Eglise. Elle est le lien avec le Judaïsme et  l’Islam  qui  la  considèrent  comme  un  des  attributs  les  plus  significatifs  de  Dieu.  Israël  a d’abord reçu cette révélation qui demeure dans l’histoire comme le point de départ d’une richesse incommensurable à offrir à toute l’humanité. Nous l’avons vu, les pages de l’Ancien Testament sont imprégnées de miséricorde, puisqu’elles racontent les œuvres accomplies par le Seigneur en faveur de son peuple dans les moments les plus difficiles de son histoire. L’Islam de son côté, attribue au Créateur les qualificatifs de Miséricordieux et Clément. On retrouve souvent ces invocations sur les lèvres des musulmans qui se sentent accompagnés et soutenus par la miséricorde dans leur faiblesse quotidienne. Eux aussi croient que nul ne peut limiter la miséricorde divine car ses portes sont toujours ouvertes.

Que cette Année Jubilaire, vécue dans la miséricorde, favorise la rencontre avec ces religions et les autres nobles traditions religieuses. Qu’elle nous rende plus ouverts au dialogue pour mieux nous connaître et nous comprendre. Qu’elle chasse toute forme de fermeture et de mépris. Qu’elle repousse toute forme de violence et de discrimination.

24.  Que notre pensée se tourne vers la Mère de la Miséricorde. Que la douceur de son regard nous accompagne en cette Année Sainte, afin que tous puissent redécouvrir la joie de la tendresse de Dieu. Personne n’a connu comme Marie la profondeur du mystère de Dieu fait homme. Sa vie entière fut modelée par la présence de la miséricorde faite chair. La Mère du Crucifié Ressuscité est entrée dans le sanctuaire de la miséricorde divine en participant intimement au mystère de son amour.

Choisie pour être la Mère du Fils de Dieu, Marie fut préparée depuis toujours par l’amour du Père pour être l’Arche de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Elle a gardé dans son cœur la divine miséricorde en parfaite syntonie avec son Fils Jésus. Son chant de louange, au seuil de la maison d’Elisabeth, fut consacré à la miséricorde qui s’étend « d’âge en âge » (Lc 1, 50). Nous étions nous aussi présents dans ces paroles prophétiques de la Vierge Marie, et ce sera pour nous un réconfort et un soutien lorsque nous franchirons la Porte Sainte pour goûter les fruits de la miséricorde divine.

Près de la croix, Marie avec Jean, le disciple de l’amour, est témoin des paroles de pardon qui jaillissent des lèvres de Jésus. Le pardon suprême offert à qui l’a crucifié nous montre jusqu’où peut aller la miséricorde de Dieu. Marie atteste que la miséricorde du Fils de Dieu n’a pas de limite et rejoint tout un chacun sans exclure personne. Adressons lui l’antique et toujours nouvelle prière du Salve Regina, puisqu’elle ne se lasse jamais de poser sur nous un regard miséricordieux, et nous rend dignes de contempler le visage de la miséricorde, son Fils Jésus.

Que notre prière s’étende aussi à tant de Saints et de Bienheureux qui ont fait de la miséricorde la mission de leur vie. Cette pensée s’adresse en particulier à la grande apôtre de la miséricorde, Sainte Faustine Kowalska. Elle qui fut appelée à entrer dans les profondeurs de la miséricorde divine, qu’elle intercède pour nous et nous obtienne de vivre et de cheminer toujours dans le pardon de Dieu et dans l’inébranlable confiance en son amour.

25.  Une Année Sainte extraordinaire pour vivre dans la vie de chaque jour la miséricorde que le Père répand sur nous depuis toujours. Au cours de ce Jubilé, laissons-nous surprendre par Dieu. Il ne se lasse jamais d’ouvrir la porte de son cœur pour répéter qu’il nous aime et qu’il veut partager sa vie avec nous. L’Eglise ressent fortement l’urgence d’annoncer la miséricorde de Dieu. La vie de l’Eglise est authentique et crédible lorsque la miséricorde est l’objet d’une annonce convaincante. Elle sait que sa mission première, surtout à notre époque toute remplie de grandes espérances et de fortes contradictions, est de faire entrer tout un chacun dans le grand mystère de la miséricorde de Dieu, en contemplant le visage du Christ. L’Eglise est d’abord appelée à être témoin véridique de la miséricorde, en la professant et en la vivant comme le centre de la Révélation de Jésus-Christ. Du coeur de la Trinité, du plus profond du mystère de Dieu, jaillit et coule sans cesse le grand fleuve de la miséricorde. Cette source ne sera jamais épuisée pour tous ceux qui s’en approcheront. Chaque fois qu’on en aura besoin, on pourra y accéder, parce que la miséricorde de Dieu est sans fin. Autant la profondeur du mystère renfermé est insondable, autant la richesse qui en découle est inépuisable.

Qu’en cette Année Jubilaire l’Eglise fasse écho à la Parole de Dieu qui résonne, forte et convaincante, comme une parole et un geste de pardon, de soutien, d’aide, d’amour. Qu’elle ne se lasse jamais d’offrir la miséricorde et soit toujours patiente pour encourager et pardonner. Que l’Eglise se fasse la voix de tout homme et de toute femme, et répète avec confiance et sans relâche : « Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours » (Ps 25, 6). Donné à Rome, près Saint Pierre, le 11 avril, Veille du IIème Dimanche de Pâques ou de la Divine Miséricorde, de l’An du Seigneur 2015, le troisième de mon pontificat.


Franciscus


[1]  Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, n. 4.
[2]  Jean XXIII, Discours d’ouverture du Concile œcuménique Vatican II Gaudet Mater Ecclesia, 11
octobre 1962, nn. 2-3.
[3]  Paul VI, Discours de clôture du Concile œcuménique Vatican II, 7 décembre 1965.
[4]  Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm.  Lumen gentium, n. 16 ; Const. past.  Gaudium et spes,
n. 15.
[5]  Saint Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, II-II, q. 30, a. 4.
[6]  Prière  d’ouverture  du  XXVIème  dimanche  du  Temps  ordinaire.  Cette  prière  apparaît  dès  le
VIIIème siècle dans les textes eucologiques du Sacramentaire Gélasien1198.
[7]  Cf. Hom. 21: CCL122, 149-151.
- 14-[8]  Exhort. apost. Evangelii gaudium, n. 24.
[9]  n. 2.
[10]  Jean-Paul II, Lett. Enc. Dives in misericordia, n. 15.
[11]  Ibid., n. 2.
[12]  Avis et Sentences spirituelles, § 56.

[13]  Enarr. in Ps.76, 11.